Il est à noter que les frais supplémentaires ne pourront pas dépasser les frais facturés par les établissements financiers aux commerçants qui acceptent les paiements par crédit. Toujours selon les règles établies par Mastercard et Visa, les frais devraient être entre 1 et 3% de la transaction au Canada.
Les entreprises qui décident d'appliquer ces nouveaux frais devront informer la clientèle, Mastercard et Visa de leur intention et préciser clairement la valeur des frais au moins 30 jours à l'avance.
Cette nouvelle politique ne s'appliquera pas aux commerçants du Québec. En effet, la législation québécoise interdit les commerçants de charger un montant supérieur au prix annoncé, comme l'indiquait Charles Tanguay, responsable des relations avec les médias de l'Office de la protection du consommateur :
Selon un sondage de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), au moins 19% des entreprises sondées ont l'intention d'ajouter des frais pour les paiements par carte de crédit. Toutefois, les commerçants semblent hésiter à ajouter des frais supplémentaires, comme le pointait le vice-président aux affaires nationales de la FCEI, Jasmin Guénette :
Nadège Nourian, propriétaire d'une entreprise de pâtisserie à Toronto, exprime la même inquiétude face à ces frais supplémentaires :
La propriétaire craint bien entendu que la clientèle se tourne vers des compétiteurs si des frais supplémentaires pour les cartes de crédit sont instaurés. Elle a d'ailleurs déjà retenu ses tarifs, elle qui doit pourtant payer plus cher pour ses ingrédients. Depuis la pandémie, avec les mesures de distanciation physique, Madame Nourian explique que ses clients utilisaient presque uniquement la carte de crédit, si bien qu'elle n'accepte plus l'argent comptant dans son commerce.
Toutefois, si la carte de crédit simplifie la chose pour le client et les employés, les frais d'interchange sont non négligeable pour l'entreprise. Elle estime d'ailleurs débourser plusieurs dizaines de milliers de dollars par an en frais de transaction. Il est à noter qu'elle possède quatre succursales et compte une cinquantaine d'employés.
Madame Nourian n'est pas la seule commerçante à remarquer cette hausse d'utilisation des cartes de crédit. Selon la firme d'évaluation de crédit Equifax, les dépenses mensuelles associées au crédit ont grimpé de 17,5% au premier trimestre de 2022, en comparant avec la même période de l'année dernière.
L'association Paiements Canada notait d'ailleurs que les récompenses et les remises en argent sont la principale raison pour les consommateurs de choisir la carte de crédit. Toutefois, ce sont les commerçants qui se retrouvent avec la responsabilité de payer ces avantages, comme M. Guénette de la FCEI l'expliquait :
Rappelons qu'en 2018, le gouvernement fédéral avait signé une entente avec Visa, American Express et Mastercard pour qu'ils abaissent les frais de transactions à une moyenne de 1,4% pour une période de cinq ans. Ce taux, toutefois, est reconnu par le ministère des Finances comme étant l'un des plus élevés du monde. En prenant en considération ce taux et la valeur totale des transactions payées par crédit, estimé à près de 570 milliards de dollars par Paiements Canada, c'est plus de 8 milliards de dollars que débourseraient annuellement les commerçants canadiens en frais d'interchange.
En 2010, une action collective instaurée par des commerçants qui jugeaient ces frais déraisonnables a forcé Visa et Mastercard à donner le droit aux commerçants d'imposer des frais pour l'utilisation de la carte de crédit. Jeff Orenstein, l'un des avocats du groupe de commerçants canadiens, expliquait :
Il est à noter qu'aucun verdict n'a encore été rendu à ce propos. De nombreuses grandes banques canadiennes, tout comme Visa et Mastercard, ont conclu plusieurs ententes avec les membres de l'action collective, d'une valeur totalisant 188 millions de dollars. Le droit de charger des frais supplémentaires aux consommateurs lors des paiements par carte de crédit était d'ailleurs l'une des conditions négociées dans les ententes.
En août, en prévision du changement de politique, TELUS a d'ailleurs fait une demande au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications (CRTC) pour avoir l'autorisation d'ajouter des frais supplémentaires de 1,5% aux clients payant par carte de crédit. Le CRTC a reçu plus de 4325 messages en moins d'un mois de Canadiens s'opposant à cette imposition de frais supplémentaires.
Monsieur Guénette se demande d'ailleurs si les consommateurs comprendront la situation des petits commerçants. Ils paient d'ailleurs des frais d'interchange plus élevés que les grandes multinationales, possédant un moins grand pouvoir de négociations avec les établissements. Mme Nourian, qui explique payer en moyenne 2% de frais d'interchange, explique :
Madeline Goetz, une Torontoise, semble toutefois plus encline à payer ces frais chez les petites entreprises que les grandes multinationales :
Le CRTC a pour l'instant retardé sa décision concernant la demande de TELUS, qui ne semble pas donner plus d'informations à ce sujet.
Rappelons qu'en 2019, le gouvernement libéral avait promis une réduction des frais d'interchange imposés aux commerçants. Un engagement qui a été réitéré en 2021. La FCEI dit d'ailleurs continuer à faire pression sur le gouvernement, qui n'a toujours pas réalisé sa promesse, comme expliquée par Monsieur Guénette :
Les promesses du ministère des Finances quant à son entente avec les réseaux de cartes de paiements semblaient plutôt alléchantes pour les petites entreprises, en 2018, anticipant une économie de 250 millions par année, pour une simple réduction de 0,1 point de pourcentage de frais en moyenne. Toutefois, les PME aimeraient que le gouvernement fédéral continue de faire des efforts, comme Mme Nourian le notait :
Adrienne Vaupshas, l'attachée de presse de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a soutenu par courriel :
Il est à préciser qu'elle n'a pas donné d'échéance pour que cet engagement soit finalement réalisé. La FCEI a toutefois sommé le gouvernement québécois de faire comme les autres provinces du pays et d'autoriser les frais sur les utilisations des cartes de crédit aux clients.
Pour ce qui est de l'Office de la protection du consommateur, l'organisme dit ne pas avoir connaissance d'un tel projet de changement législatif au Québec.
Source : Radio-Canada